ZOOM SUR : Le Cri, Edvard Munch (1883)

Chloe Tredez
Publié le 1 Novembre 2018
ZOOM SUR : Le Cri, Edvard Munch (1883)

Aujourd'hui, on vous parle d’une des œuvres les plus effrayante et angoissante qui soit : Le Cri de d’Edvard Munch. Cet homme au visage difforme, dans un environnement anxiogène en a fait frissonner plus d’un, et on comprend pourquoi !

Edvard Munch, Le Cri, 1893

Mais finalement, pourquoi crie-t-il ? De quoi a-t-il peur ? Ce cri cache beaucoup de secrets et nous allons tenter de vous les révéler.

  1. Munch, un homme torturé

Edvard Munch était un artiste de la fin du 19e siècle, début 20e. Il peint en fonction de la subjectivité et du psychologique. On trouve dans ses œuvres des thèmes tels que la mort, l’angoisse, la mélancolie, la peur. Il souhaite, à travers la peinture, exprimer « les états d’âme les plus subtils ».

Munch a connu une enfance assez désastreuse. Il naît très fragile et tombe assez souvent malade. Sa mère meurt de la tuberculose alors qu’il n’a que 5 ans, puis c’est sa sœur qui décède de ce mal. Une autre de ses sœurs est diagnostiquée « mélancolique » et son frère décède quelques jours après son mariage. L’idée de maladie se retrouve dans beaucoup de ses œuvres. Son père, pieux et stricte est devenu dépressif et agressif à la suite de ces événements tragiques. Il éleva Edvard dans la religion et lui raconta beaucoup d’histoires de fantômes. Munch fût marqué par tout cela ce qui engendra une sorte de fascination pour la mort et l’angoisse, que l’on retrouve très bien dans ses œuvres.

2. le Cri du Volcan

Eruption du volcan Krakatoa

Si beaucoup voient dans ce tableau un homme, voir une créature qui hurle (peut-être aussi parce que le titre nous l’indique), il n’en est en fait rien. En 1883, le Krakatoa, un volcan indonésien entre en éruption, provoquant une explosion et un bruit assourdissant, le plus fort jamais entendu dans l’Histoire. Les ondes de choc de l’éruption ont parcouru le globe sept fois. Une théorie suppose que le cri du personnage serait en vérité le cri du volcan et que le personnage ne se prendrait pas la tête dans les mains mais se boucherait les oreilles en raison du bruit assourdissant du volcan. D’autres hypothèses mettent en avant que ce cri est l’image de la personnalité fantasmagorique et torturée de Munch. Il habitait à côté de l’hôpital psychiatrique où sa sœur était internée et ce cri peut être perçu comme son anxiété et sa terreur face à ces problèmes psychiatriques. Bonne ambiance.

3. Et vous là-bas ! On vous voit !

Trop subjugués (ou effrayés, à vous de voir) par cette drôle de créature hurlante, peu de personnes se rendent compte que deux autres personnages se cachent sur la toile. Mais si, regardez bien au fond à gauche, deux silhouettes apparaissent sur le pont. Elles semblent s’éloigner discrètement afin d’éviter de croiser le regard de notre protagoniste. Mais la vraie question est « Qui sont-ils ? ». Selon les dires de Munch himself, il s’agirait de deux de ses amis. Il a raconté dans son journal qu’un jour il se « promenait sur un sentier avec deux amis quand le soleil se coucha et le ciel devint comme empourpré de sang. Mes amis continuèrent. Je m’arrêtai près de la rambarde, fatigué à mourir ». Par cette phrase, Munch rend son tableau autobiographique et accentue la dimension psychologique et torturée de sa personnalité, puisqu’il affirme que cet homme étrange n’est nul autre que lui.

4. Tourbillon de nuages

L’œuvre de Munch a marqué les esprits pour ce personnage si particulier mais aussi pour les couleurs utilisées. Derrière le pont, des ondes de couleurs semblent virevolter. Des tons ocres, rouges, oranges, jaunes et bleus pâles ajoutent à l’effet anxiogène de la toile. Munch explique avoir eu une sorte d’hallucination visuelle et auditive.

Il dit : « Par-dessus le bleu du fjord glacial et de la ville il y avait des flammes d’un jaune rougeâtre et je ressentis un grand cri monter de la nature. Les lignes de la nature étaient entrecoupées de couleurs – lignes et couleurs vibraient comme dans un mouvement – non seulement mes yeux saisissaient ces vibrations de lumières mais aussi mes oreilles – j’ai alors vraiment entendu un cri. »

Munch a donc représenté le cri de la nature, celui qu’il a perçu dans ce moment étrange d’hallucination. L’idée de représenter cette scène de manière si peu réaliste insiste sur le fait que tout provient de la tête de Munch, de son imagination. Et puis le rouge étant associé au sang, à la souffrance et le bleu/gris à la mort et au vide, on peut y voir un reflet direct aux émotions et aux tourments de l’artiste.

Mais ce tourbillon de couleurs a aussi été compris comme une référence aux dérèglements météorologiques causés par le volcan Krakatoa. En Europe, l’éruption du volcan a provoqué des couchers de soleils rouges orangés, avec des effets nacrés, qui auraient peut être influencé la palette chromatique de l’artiste. Alors artiste torturé ou simple passionné météorologique ? On vous laisse choisir !

5. Une momie ?

Alors non, nous ne venons pas de trouver notre idée de déguisement pour la soirée Halloween de demain soir (même si cette idée est géniale si vous avez sous la main 5/6 rouleaux de PQ !). Mais si nous parlons de momie, c’est parce qu’un chercheur de l’Université d’Oxford, Robert Rosenblum, a décelé une ressemblance troublante entre le personnage de Munch et une momie chachapoyas du Pérou. Cette momie était exposée à Paris peu de temps avant la réalisation du tableau « le Cri ».

Momie Chachapoyas du Pérou

Effectivement, la momie ressemble étrangement à notre protagoniste. Les positions des mains et la forme du visage sont similaires. L’idée que Munch se soit inspiré de cette momie est donc plausible et renforce une fois de plus l’aspect inquiétant de son tableau.

6. le Cri fait crier !

Qui dit œuvre populaire, dit détournement ! L’œuvre de Munch a suscité un tel engouement qu’elle a inspiré plus d’une personne. La référence la plus connue est certainement celle de Scream, cette série de films d’horreur de Wes Craven ou le tueur porte un costume et un masque reprenant l’image d’un cri. Certains voient aussi une référence à l’œuvre de Munch dans l’affiche de Maman j’ai raté l’avion de Chris Columbus où Kevin se tient les joues entre les mains et semble pousser un cri.

Personnage du « Ghostface » dans Scream, Wes Craven, 1997

Affiche de « Maman j’ai raté l’Avion », Chris Columbus, 1990

Puis dans la pop culture, on trouve un nombre incalculable de détournements du Cri.

Florilège :

Version « Bob l’Eponge »

Version « Le Joker & Batman »

Version « Rick & Morty »