ZOOM SUR... Bonaparte franchissant le Grand-Saint-Bernard de J.L David

Publié le 17 Janvier 2019
ZOOM SUR... Bonaparte franchissant le Grand-Saint-Bernard de J.L David

Aujourd’hui, à la rédac’, on a le cœur conquérant ! On s’est retrouvés devant l’œuvre de Jacques Louis David, Bonaparte franchissant le Grand-Saint-Bernard de 1801 et ça nous a donné envie de bomber le torse, d’avoir la tête haute, d’enfourcher un cheval et de partir à la conquête du monde. Bon après on s’est dit qu’on ne pouvait pas vous laisser tomber comme ça, puis surtout qu’on avait pas de cheval à portée de main…

Jacques Louis David, Bonaparte franchissant le Grand-Saint-Bernard, 1801, Musée du Château de Versailles

Alors, pour compenser, on a décortiqué le tableau de David et on a pas été déçus du résultat !

 

1. David et la politique

Jacques Louis David, Autoportrait, 1794, musée du Louvre

David est un artiste français, chef de file du mouvement néo-classique. Il est à l’origine du retour à une peinture réaliste, dans la veine du classicisme. Il s’inspire beaucoup des figures héroïques grecques et romaines. Il s’engage en politique. Il ne va pas au front mais il affirme ses idéaux par la peinture. Lors de la Révolution française, il s’engage auprès des révolutionnaires. Il peindra des événements phares de la Révolution tels que Le Serment du Jeu de Paume ou La Mort de Marat. A la chute de Robespierre, il sera emprisonné et à sa sortie, il deviendra le peintre de Napoléon Bonaparte et lui montrera son soutien sous l’Impérialisme. Lors de la Restauration, il sera exilé à cause de son passé de révolutionnaire.

Jacques Louis David, Le Serment du Jeu de Paume, 1791-1792, Château de Versailles

Jacques Louis David, La Mort de Marat, 1793, Musées royaux des Beaux-Arts de Belgique

 

2. Une œuvre de propagande

De 1799 à 1800, Bonaparte, alors Premier consul, prend part aux guerres de la deuxième coalition. Il se bat pour la France contre l’armée impériale du Saint Empire, composée principalement des autrichiens. Ces derniers avaient pour but de combattre la France républicaine afin de rétablir la monarchie. Alors que la France est sur le point de se faire battre par les armées autrichiennes, Napoléon Bonaparte décide de jouer un coup de poker ! Il fait passer ses armées par le col du Grand Saint-Bernard afin de rejoindre l’Italie et surprendre ses ennemis, dans des conditions climatiques difficiles. Cette décision était risquée mais a permis la victoire de Bonaparte et le replis des autrichiens.

Le col du Grand Saint Bernard aujourd’hui, Alpes

L’œuvre de David est à taille humaine et en impose comme dirait l’autre (je suis l’autre, tu es l’autre, il est l’autre, nous sommes l’autre, vous êtes l’autre, ils sont l’autre). Alors que l’on connait les conditions climatiques de cette traversée et les difficultés rencontrées par les armées françaises, on se rend compte que l’œuvre de David a un impact politique, de propagande. Bonaparte est calme, fier, conquérant sur son cheval cabré. Il guide ses armées, l’air serein, le bras tendu vers le ciel, il guide ses troupes en arrière plan vers la victoire, vers le pouvoir. L’œuvre a trois couleurs dominantes : le bleu, le blanc et le rouge, à l’image de la France. La simple vue de cette toile donne l’idée d’une victoire facile, évidente, ce qui n’était pas du tout le cas, et fait de Napoléon un fier dirigeant et représentant de la France. Le tableau de David fait partie intégrante de la propagande napoléonienne puisqu’il donne à Bonaparte une dimension héroïque, tout en maquillant les faits réels, qui ne se sont pas tout à fait déroulés de cette manière…

 

3. Une œuvre héroïque mais peu réaliste

L’image de Napoléon est inspirée par les statues équestres antiques. Elle est souvent assimilée à la Statue équestre de Marc Aurèle datée de 161-180 ap. J.-C. David était un grand amateur de l’art antique et s’en inspire dans beaucoup de ses œuvres. Il représente Bonaparte comme figé, jeune, idéalisé. Le cheval a une posture dominante, et tout laisse penser que rien ne peut venir contrer l’ascension du consul.

Statue équestre de Marc Aurèle, Rome antique, Capitole

Mais dans les faits, tout ne s’est pas passé ainsi. Lors de la traversée des Alpes, Bonaparte était en fait – accrochez vous bien, ça risque de vous décevoir et détruire un mythe – sur une mule. On est loin du majestueux cheval cabré prêt à en découdre avec l’ennemi. Tout de suite, c’est un peu moins héroïque et prestigieux. Avec les conditions climatiques, il était emmitouflé dans un uniforme militaire bleu, recouvert d’une redingote. Les habits peints par David sont en réalité ceux que Bonaparte portait lors de la bataille de Marengo.

Encore une fois, David a idéalisé Bonaparte. Il l’a rendu grand, imposant de telle sorte à ce qu’il soit un héros. Cette image de lui avait pour but d’assouvir sa grandeur au moment de sa réalisation, de son vivant, mais aussi de laisser une image de lui pour les années suivantes, afin que sa grandeur perdure dans le temps.

 

4. Hannibal et Charlemagne

Jacques Louis David, Bonaparte franchissant le Grand-Saint-Bernard, 1801, Musée du Château de Versailles (détail)

Non, on vous jure qu’on ne dérive pas du sujet ! Au contraire ! Approchez vous au plus près et suivez notre regard des yeux (regardez en bas à gauche). Vous y êtes ! Sur les pierres, trois noms se distinguent : Bonaparte, Hannibal et Charlemagne. Napoléon crée un lien entre lui, le général carthaginois et l’empereur de la dynastie des Carolingiens. Alors la question est : pourquoi ?

La réponse est simple : ils ont tous les trois traversé les Alpes, accompagnés de leurs troupes armées. David inscrit Bonaparte dans la succession de ces grands généraux de guerre et le met sur un piédestal. Pour rappel, Hannibal a traversé les Alpes, à dos d’éléphant, lors de la deuxième guerre punique, à la fin de l’année 218 av. J.-C. Charlemagne, lui, a franchit les Alpes au niveau du Mont-Cenis alors qu’il était en guerre contre le roi des Lombards, en 773.

Nicolas Poussin, Hannibal traversant les Alpes à dos d’éléphant, 1625-1626

 

5. Napoléon, un homme occupé

Même si il a fortement apprécié le tableau de David (puisqu’il en fera demander trois autres versions), Bonaparte n’a pas fait beaucoup d’efforts pour faciliter la tâche de l’artiste. Il a refusé de poser pour David, étant trop occupé à d’autres affaires. Ce dernier a du faire avec les moyens du bord. Il a donc utilisé un buste représentant Napoléon pour réaliser les traits du consul. En ce qui concerne la posture, il a demandé à son fils de lui servir de modèle. (On a essayé de l’imaginer poser, et on s’est dit que ça devait être vraiment inconfortable et peut être un peu ridicule…).

Le seul effort qu’à fait Napoléon est d’avoir prêté les habits qu’il portait lors de la bataille finale de Marengo à l’artiste. David les enfila sur un mannequin de bois pour réaliser le corps de Napoléon.

 

6. La vérité de Paul Delaroche

Vous avez tous déjà vu ces tags « Expectation VS Reality » (pour les non-bilingues : « Attentes VS Réalité »). Et bien made in Napoléon ça donnerait un peu ça :

« La traversée des Alpes par Bonaparte :

Expectation :

Jacques Louis David, Bonaparte franchissant le Grand-Saint-Bernard, 1801, Musée du Château de Versailles

Reality :

Paul Delaroche, Bonaparte franchissant les Alpes, 1850″

On est d’accord, c’est tout de suite moins héroïque. Mais Paul Delaroche a proposé une représentation bien plus réaliste de ce qu’à pu être la traversée des Alpes de Napoléon. Dans tous les cas, on est fiers de toi Napo !