Le "Guerrillero Heroico" : histoire de la photographie la plus diffusée au monde

Publié le 8 Octobre 2018
Le "Guerrillero Heroico" : histoire de la photographie la plus diffusée au monde

Le 08 octobre 1967, Ernesto Guevara de la Serna que l’on nomme plus communément « Le Che » est fait prisonnier par les forces spéciales boliviennes et sera exécuté sommairement le lendemain. Celui que l’on appelle le « guérilléro héroïque », figure de la révolution cubaine de son vivant devient une véritable icône après sa mort.

Photographie « El Guerillero Heroico » de Alberto Korda, 1960

D’un point de vue purement politique et historique, il fait l’objet de nombreux débats puisque certains voient en lui un révolutionnaire qui s’est battu jusqu’à la mort pour ses convictions et pour s’être levé contre la dictature à Cuba ; mais d’autres l’accuse d’avoir été à l’initiative de camps de tortures et d’exécutions sommaires.

Rassurez-vous, nous n’allons pas débattre de cela, on est pas là pour ça ! Nous allons plutôt nous intéresser à cette photo que vous avez tous vu un jour où l’autre de Che Guevara. Que ce soit sur des sacs à dos, des portes clés, des drapeaux, ou même au musée, vous avez tous déjà croisé ce regard vif du Che.

 

Utilisation de la photographie du Che sur une veste

En 1960, Guevara participe à une cérémonie funéraire en hommage aux victimes de l’explosion de la Coubre, un cargo français qui a explosé le 4 mars 1960, alors qu’il déchargeait des munitions dans le port de la Havane. Cette explosion a causé la mort de plus de cent personnes et à fait autant de blessés. Fidel Castro a accusé les États Unis d’avoir saboté le cargo pour dissuader les pays européens de marchander avec Cuba.

Lors de la cérémonie, le Che se montre particulièrement révolté et cette émotion a été captée un peu par hasard par Alberto Korda.

Photo originale prise le 05 mars 1960 à la Havane

Ce photographe travaille pour le journal Revolución (si ça ce n’est pas un signe !) et couvre la cérémonie. Il se trouve au premier rang, et lorsque le Che s’approche au-devant de la scène, il prend deux clichés, un horizontal et un vertical, avant que ce dernier ne bouge. C’est ainsi qu’est née la photo la plus diffusée au monde. Et vous savez quoi ? Le comble c’est que le journal Revolución a décidé de ne pas la publier (on imagine qu’ils ont du s’en mordre les doigts !) et la photo est resté sur la pellicule au fond d’un tiroir.

Pellicule de Alberto Korda

C’est après la mort du Che que cette photographie va ressortir, soit sept ans après qu’elle ait été prise. Suite à la diffusion des photographies de sa dépouille par le gouvernement bolivien, le gouvernement cubain a demandé à Giangiacomo Feltrinelli, un éditeur, de trouver un portrait de Che Guevara pour lui rendre son aspect iconique et révolté. C’est alors que Korda offre le cliché. Lors du discours de Fidel Castro rendant hommage à son ami, une reproduction gigantesque de la photographie flotte sur le bâtiment du ministère de l’Intérieur de la Havane.

 

Ministère de l’Intérieur, La Havane. Mur sur lequel était déployé la gigantesque photographie du Che lors du discours de Fidel Castro

C’est à partir de ce moment que la photographie devient symbole de la révolte et sera utilisée à travers le monde. Jim Fitzpatrick, un graphiste irlandais modifie quelque peu la photographie et en fait un « poster » noir et blanc, reproduit et vendu en des millions d’exemplaires. Andy Warhol réalisera en 1968 une sérigraphie de 9 portraits colorés à partir de cette photographie, faisant de Che Guevara une vraie icône pop.

 

Jim Fitzpatrick, Che Guevara, 1968

Andy Warhol, Che Guevara, 1968

Tout cela a un peu dégénéré avec le temps et l’image du Che a été reprise un peu pour tout et n’importe quoi, et a servi pour diverses campagnes publicitaires comme des célèbres baskets, une lessive qui redonne le sourire au Che sur un t-shirt propre, ou encore pour une célèbre marque de voiture qui se veut « la voiture des révolutionnaires » (on vous épargne le reste…)

 

Pour finir cet article de manière plus légère, on vous dévoile une petite anecdote : Albert Korda n’a pas touché un seul centime  pour sa photographie et sa réutilisation. Il voulait que cette photo soit diffusée le plus possible et que l’image du Che ne meurt pas dans le cœur des gens. Il mettra tout de même son véto une seule fois : lorsque la photographie du Che sera utilisée pour vendre de la Vodka (ou quand le marketing pousse le bouchon un peu trop loin !)