Le mouvement abstrait : explications

Berthille Lorillou
Publié le 25 Juillet 2025
Le mouvement abstrait : explications

Le commencement de l’aventure abstraite de l’art est acté en 1910. Cette date fait référence à une aquarelle de Vassily Kandinsky (1866-1944). Elle est considérée comme étant sa première aquarelle abstraite. Une hypothèse sur la destination ou sur la décision postérieure de réaliser une huile sur toile à partir de cette esquisse est faite.  

Vassily Kandinsky, Sans titre, 1913, mine graphite, encre de Chine et aquarelle sur papier, 49,6 x 64,8 cm

Vassily Kandinsky, Composition VII, huile sur toile, 1913, Moscou, Galerie Tretyakov

L’élaboration des principes  

Comme toute nouveauté artistique, un tel changement de style n’est possible que par une évolution lente et réfléchie, empreinte des révolutions antérieures. Dans le cas de l’abstraction, ce sont le fauvisme et le cubisme qui ont permis d’élaborer ces formes sans représentation narrative. Les artistes abstraits, avant de trouver leur voie d’épanouissement ont aussi, dans la plupart des cas, commencé par une approche figurative.  

Cette fois-ci, les formes géométriques ou stylisées sont une finalité en soi et ne se subordonnent pas à d’autres éléments. Il s’agit de l’abstraction pour l’Abstraction.  De plus, le début du XXe siècle est un moment de grandes découverte scientifiques telle la théorie de la relativité d’Albert Einstein (1879-1955) ou la physique quantique. Cette dernière a été élaborée à l’aide de plusieurs grands physiciens dont Max Planck (1858-1947) et Albert Einstein.  

Ces réalisations majeures posent l’étendue des choses dont nous ignorons la connaissance. Elles rendent concrètes les citations des philosophes Confucius : "La vrai connaissance est de connaître l’étendue de son ignorance", et Socrate "Le premier savoir est le savoir de mon ignorance : c’est le début de l’intelligence" Ainsi, chacun des artistes de l’Abstractions ont leurs propres visions de l’abstrait. Tout spectateur peut y voir le reflet de ses idéologies ou de son histoire ou bien adhérer à la vision de l’artiste ayant conçu l’œuvre.  

Pères fondateurs  

  • Abstraction lyrique  

Vassily Kandinsky est, dans son approche de l’abstraction le précurseur de l’abstraction lyrique. Atteint de synesthésie, la confusion de plusieurs sens et dans ce cas l’ouïe et la vue. Dans les noms qu’il donne à ses œuvres, l’ambivalence des sens est visible. L’artiste joue avec les couleurs, les lignes noires pour donner de la vitesse et un certain dynamisme à ses compositions. L’accent est mis sur la liberté de la pensée, la démonstration des émotions.  

Vassily Kandinsky, Composition X, 1939, huile sur toile, 130 x 195 cm, Allemagne, Kunstsammlung Nordrhein-Westfalen

Vassily Kandinsky, Ovale rouge, 1920, huile sur toile, 71,6 x 71,2 cm, New York, Musée Solomon-R.-Guggenheim

  • Abstraction géométrique 

Piet Mondrian (1872-1944) est un adepte de la théosophie. Ce courant de pensée développé au XIXe siècle prône la contemplation de l’univers et vise à atteindre une compréhension profonde des vérités spirituelles ou divines. L’âme doit se détacher des contingences terrestres.  

Piet Mondrian, Evolution, vers 1910-1911, huile sur toile, 183 x 87 cm (panneau central), 178 x 85 cm (panneaux latéraux), La Haye, musée municipal d’art moderne

La figure de gauche et les deux tulipes sur ces épaules symbolisent le monde terrestre, celle de droite avec les deux étoiles le monde céleste. La figure centrale est une âme accomplie qui accède au domaine céleste. 

Piet Mondrian, Arbre gris, 1911, huile sur toile, La Haye, musée municipal d’art moderne

Ici, l’artiste débute son voyage dans l’abstraction géométrique. Les formes verticales et horizontales commencent à se dessiner à travers les branches et le tronc de l’arbre. 

Piet Mondrian, Composition II, 1980, huile sur toile, Paris, Centre Pompidou

Dans l’abstraction, il faut s’attacher aux détails pour voir l’évolution artistique d’un peintre. Dans ses œuvres de maturité artistique, Mondrian fait évoluer son module Tableau 2 et utilise uniquement les trois couleurs primaires. Ici, il décide de ne pas cerner horizontalement la couleur rouge. Chez l’artiste, la verticalité réfère à l’univers tandis que l’horizontalité fait référence aux lois de la nature. 

  • Le Suprématisme 

Kasimir Malevitch (1879-1935) invente le principe de Suprématisme en 1915 qu’il explique dans sa brochure Du cubisme et du futurisme au suprématisme : un nouveau réalisme pictural. Ainsi, le Suprématisme est une esthétique centrée sur la forme pure, affranchie de contexte extérieur. La forme est maîtresse tandis que la couleur devient un élément autonome, utilisée que pour elle-même.  

Kasimir Malévitch, Croix (noire), 1915, huile sur toile, 80 x 80 cm, Paris, Centre Pompidou

Kasimir Malevitch, Composition suprématiste : Avion en vol, 1915, huile sur toile, 58,1 x 48,3 cm, New York, Museum of Modern Art

Branches de l’abstraction 

  • Orphisme 

Robert Delaunay (1885-1941) est considéré comme le père de l’orphisme. Son épouse Sonia Delaunay (1885-1979) fait également partie de ce mouvement. Ce dernier est marqué par l’hégémonie de la couleur, une abstraction totale, le mouvement et le dynamisme rendues par des cercles colorés. Le principe de simultanéité reste un élément principal du mouvement. Inspiré des travaux de Chevreul sur la Loi du contraste simultané des couleurs. La simultanéité associe des couleurs complémentaires afin de générer des contrastes optiques intenses.  

Robert Delaunay, Hélice et rythme, vers 1937, huile sur papier, 72 x 83 cm, Paris, Centre Pompidou

Sonia Delaunay, Tourbillon abstrait, v. 1970, lithographie sur papier

  • Expressionnisme abstrait  

Ce mouvement apparaît à New York aux États Unis dans les années 1940. Il est en ce sens aussi nommé l’École de New York. Deux voies émergent de ce courant. L’Action Painting avec Jackson Pollock et le Colorfield Painting avec Mark Rothko par exemple. 

Jackson Pollock (1912-1956) met en place la technique du dripping. Cette technique consiste à faire couler ou projeter la peinture sur une toile horizontale. Ceci oblige l’artiste à avoir un geste précis. 

Jackson Pollock, Poteaux bleus, 1952, huile, émail, peinture aluminium, verre sur toile, Canberra, Galerie nationale d’Australie

Le Colorfield painting apparaît dans les années 1950-1960. Cette branche de l’expressionisme abstrait se détache des aspirations que l’on retrouvait précisément : religieuses, émotionnelles, spirituelles. “Les peintres du champ de couleur” se concentrent davantage comme l’Action Painting sur la relation entre la gestuelle de l’artiste et l’œuvre.  

Mark Rothko (1903-1970), N°3/N°13 (Magenta, Black, Green on Orange), huile sur toile, 1949, New York, Museum of Modern Art

  • Op Art et Minimalisme 

Victor Vasarely (1906-1997) est considéré comme le père de l’Art Optique. Son approche de l’Art abstrait est profondément scientifique. De plus, il ne se limite pas à la toile et conçoit des œuvres monumentales. L’Op Art consiste à utiliser les propriétés de l’œil humain et donner une impression de relief et de mouvement à travers des illusions d’optique.  

Victor Vasarely, Vega-Nor, 1969, huile sur toile, 200,03 x 200,03 cm, New York, Buffalo AKG Art Museum

Les artistes du minimalisme tel Frank Stella (1936-2024), Donald Judd (1928-1994), Carl André (1935-2024) ou encore Dan Flavin (1933-1996) se concentrent sur la simplicité. Les couleurs s’atténuent, les formes sont plus rectilignes. L’idée est de représenter des formes limpides. Ce courant est en opposition avec l’expressionisme abstrait. En effet l’artiste ne cherche pas ici à donner un quelconque sens à son œuvre, mais plutôt rendre une lecture accessible. Mettre l’accent sur les matériaux plus que le travail de l’artiste.  

Donald Judd, Sans titre,1970, 1970, Fer galvanisé et feuille acrylique ambrée, 22,9 x 101,6 x 78,7 cm, Collection privée

Frank Stella, Le Mariage de la Raison et de la Misère, II, 1959, émail sur toile, 230,5 x 337,2 cm, New York, MoMA

Carl André, 144 Tin Square (144 carrés d’étain), 1975, étain, 0,96 x 366 x 366 cm, Paris, Centre Pompidou

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