La Bande Dessinée, le 9ème Art

Berthille Lorillou
Publié le 27 Août 2025
La Bande Dessinée, le 9ème Art

Une multitude de définitions est donnée à la Bande Dessinée en fonction des cultures. Certains mettent davantage l’accent sur l’aspect séquentiel des images, d’autres sur le mouvement. Le texte que l’on trouve désormais en grande majorité dans des bulles n’est pas une composante obligatoire de la bande dessinée mais elle contribue à la compréhension du lecteur. Cependant, le texte présent dans ce type d’ouvrage ne peut fonctionner de manière autonome, il ne voudrait rien dire.  

Le 9e Art 

L'expression 9e Art pour désigner la BD est due à Claude Beylie. Dans les années 1960, il emploie cette expression dans un article paru dans Lettres et Médecins.  

L’inspiration de fractions d’images disposées les unes à la suite des autres pour constituer un récit est déjà quelque chose que l’on retrouve sur les diverses frises antiques. Il faut penser aux frises du Parthénon notamment qui racontent les processions des Panathénées. Une procession aboutissant au changement de tunique de la statue de la déesse Athéna. Cela se fait tous les quatre ans où tous les habitants de la ville d'Athènes se réunissent pour honorer Athéna.  

Relief de la frise nord du Parthénon, Athènes, 438-432 av. J.C., marbre, Londres, British Museum

Mais chaque civilisation a ses propres codes visuels et sa propre langue. Ainsi, à travers le globe, les formes d’expressions écrites lors du moyen âge sont diverses. Ils continuent d’influencer de nos jours, les formes de Bandes Dessinées, qu’il s’agisse de l’Europe, l’Amérique ou l’Asie par exemple.  

La BD en Europe  

La Tapisserie de Bayeux est une œuvre d’exception de près de 70 mètres de long réalisée en 1066. Elle conte les aventures de la conquête de l’Angleterre par le duc de Normandie, Guillaume le Conquérant. Cette broderie contient 58 scènes dont 626 personnages et 202 chevaux. Certains espaces comprennent des écritures.  

“Le serment de fidélité d'Harold à Guillaume de Normandie”

En 1833, le littérateur et dessinateur genevois Rodolphe Töpffer publie un ouvrage en estampes. Histoire de Monsieur Jabot. Ce récit conte l’histoire du personnage Mr Jabot qui souhaite se faire une place dans le monde. Il est doté d’un esprit vif et tente de se fondre dans les us et coutumes du monde. Mr Jabot se rend au bal, à la chasse. Le lecteur assiste à ses aventures et maladresses dans une ambiance comique.

Histoire de Mr Jabot, Rodolphe Töpffer

“*Monsieur Jabot se dispose à réussir dans le monde, fréquente les promenades publiques. 

*Mr Jabot croit devoir prendre une glace au premier café de l’endroit. 

*Ayant mangé sa glace, Mr Jabot se remet en position. 

La BD américaine  

L’Amérique du Nord et l’Europe se querellent quant à l’invention de la BD. Ce qui est indéniable est que ce sont les Américains qui ont apporté à ce 9e Art le concept de bulles de dialogues.  

À partir de 1896, Richard Felton Outcault (1863-1928), pour la page dédiée à une caricature dans le journal The New York World, invente un personnage qui deviendra mythique. The Yellow Kid (’L’Enfant en jaune”). Ce protagoniste est détonnant. Il s’agit d’un enfant chauve dont les dents sont tordues. Il porte une chemise de nuit jaune et parle en argot, loin des conventions bourgeoises. Un premier déplacement de l’écriture sur le vêtement du personnage est visible.  

Richard F. Outcault, Yellow Kid- The Yellow Kid indulges in a cock fight... A Waterloo (L’Enfant en Jaune se livre à un combat de coqs...Un Waterloo), New York Journal, Publié le 29 novembre 1896

Winsor McCay (1869-1934), est reconnu comme l’un des pères de la Bande Dessinée américaine. En 1905, il publie Little Nemo in Slumberland dans une édition du quotidien du New York Herald. L’auteur y expose les aventures d’un enfant nommé Nemo qui chaque nuit, explore le monde de ses rêves, Slumberland. McCay introduit ici les bulles de dialogue qui deviendront bientôt un standard de la BD.  

Winsor McCay, Nemo in Slumberland, The New York herald, Octobre 1905

La BD japonaise  

De nombreux critiques d’art voient dans l’emakimono l’une des premières formes préfigurant le manga et le film d’animation. Il se comprend au sens littéral comme “rouleau peint” fait de soie ou de papier. Sa production débute au VIIIe siècle, à l’époque de Nara et atteint son âge d’or aux XII et XIIIe siècles au Japon. C’est un genre narratif dans lequel les plans se succèdent et forment la chronique. Les images et textes calligraphiés prennent plus ou moins d’importance selon les textes et leurs sources.  

Toba Sōjō (1053-1140), Chôjû jinbutsu giga (Les Rouleaux des oiseaux et des animaux), XI-XIIe siècle, encre

Ainsi, le mot manga signifie “histoire dérisoire” ou encore “esquisse rapide”. Le graphisme unique est facilement reconnaissable et le sens de lecture correspond à celui du japonais et donc des emakimono: de droite à gauche. Il existe plusieurs types de mangas tel le kodomo manga, le shonen manga, le shojo manga, le seinen manga, le josei manga ou encore le hentai. Ces différences sont faites en fonction du public concerné.   

Akira Toriyama est un des mangaka les plus célèbres avec son œuvre Dragon Ball. Ce manga fait part de l’histoire du personnage fictif So Goku dont la force est surhumaine. Il entreprend de trouver les sept Dragon Balls, des boules de cristal permettant d’invoquer un dragon réalisant n’importe quel souhait. La fantaisie de ce récit réside en les capacités surhumaines du personnage et ses origines extraterrestres. 

Akira Toriyama, Dragon Ball, 1984, paru pour la première fois dans le magazine japonais Weekly Shōnen Jump

Un large public  

La Bande Dessinée est souvent désignée comme ciblé pour un jeune public. Cependant, comme pour le roman ou autre genre littéraire, chaque œuvre a un contenu unique et un public adéquat.  

La BD par son aspect ludique en images permet également de faire passer des informations de manière plus douce que si elles avaient été uniquement écrites. C’est le cas pour Maus de Art Spiegelman. Il aborde dans un récit imagé la vie de sa famille et plus particulièrement de son père Vladek, juif polonais déporté en 1944 à Auschwitz. L’auteur décrit l’horreur de la shoah à travers des animaux. Cela permet de comprendre la séparation de ce qu’Hitler nommait les “races”. Dans Maus, les juifs sont imagés par des souris, les Allemands par des chats et les Polonais par des cochons.  

Bande dessinée Maus

De plus, tout comme bon nombre de dessins animés, romans ou films, la Bande Dessinée comprends parfois plusieurs degrés de lecture. Notamment, plusieurs études suggèrent qu’Hergé dans ses nombreux albums de Tintin fasses des allusions poussées à la Franc-Maçonnerie.  

Quatorzième album de la série de bande dessinée Les aventure de Tintin : Le Temple du soleil